LE 13 DÉCEMBRE 2011

Chers membres du PEN, chères amies, chers amis,

Au cours du mois dernier, j’ai eu l’occasion de passer du temps avec les membres d’une vingtaine de nos Centres en Afrique et en Europe: une réunion à Dakar du réseau africain du PEN, le PEN African Network, (PAN); quatre jours avec le Centre PEN du Sierra Leone; un Forum pour la Liberté d’expression et l’accueil des écrivains (Forum of Freedom of Expression and Guest Writers) à Stockholm; et enfin j’ai discuté à Milan avec Franca Tiberto du PEN suisse italien et réto-romanche et avec Sebastiano Grasso du PEN italien.

Les moments les plus émouvants de ce périple sont sans doute venus en Sierra Leone, un pays qui cherche à se redresser après une terrible période de violence et de destruction. Il y a un Centre PEN très fort à Freetown, très engagé, avec d’autres centres PEN africains, dans des projets qu’on appelle PEN School Clubs, soit des programmes de lecture et de création littéraire dans les écoles. Le PEN de Sierra Leone a ainsi 40 programmes dans des écoles partout au pays.

J’avais toujours présumé qu’il s’agissait là de programmes intéressants, mais je dois avouer que je les liais autant à l’alphabétisation qu’à la littérature. Je réalise maintenant qu’il s’agit de littérature, de créativité, de confiance en soi, de communication orale et de liberté d’expression. Ce sont des élèves qui écrivent des textes créatifs et qui lisent de la littérature. Ce sont des adolescents du niveau secondaire. Ils ont beau avoir de beaux uniformes propres, la plupart vivent dans des circonstances qui pourraient les empêcher d’avoir accès à l’enseignement supérieur et à l’université ou même à la profession d’écrivain ou au rôle de citoyen qui s’exprime en public et témoigne de ses idées. Les programmes scolaires du PEN leur donnent un avantage additionnel – le pouvoir et la dignité de l’imagination libérée d’une manière formelle. Cela leur permet d’épanouir leur enthousiasme et de développer la force d’une expression publique.

À plusieurs heures de route de Freetown, je suis allé avec Mohamed Sheriff (le président du PEN de Sierra Leone), Nathaniel Pearce (le chef du programme de lecture) et Allieu Kamara (le secrétaire du PEN de Sierra Leone) à l’école pour jeunes filles Our Lady of Guadalupe. Des centaines d’adolescentes se bousculaient littéralement pour présenter leur pièce de théâtre, lire leurs poèmes ou leurs histoires. Lors de deux événements à Freetowm, j’ai eu de longues conversations avec des élèves et je les ai entendus lire des poèmes sur la violence et sur la vie d’un enfant dans la rue.

Tout cela, c’est PEN qui fait son travail sur le terrain dans le vrai monde. Pour dire franchement, des programmes comme celui-là seraient utiles dans la plupart de nos pays.

Oui, bien sûr, PEN, ce sont des écrivains établis et reconnus qui sont des exemples de littérature et de liberté d’expression. Mais il y a des milliers de nos membres qui représentent la liberté d’expression sans la protection d’une langue de grande importance qui profite d’un système de publication bien implanté. Plusieurs des écrivains que nous cherchons à protéger sont inconnus et ne sont pas publiés pour des raisons politiques ou économiques. Et, sous-jacent à tout cela, il y a le véritable fondement de la littérature et de la liberté d’expression: un ensemble de citoyens qui sont engagés, qui lisent, qui écrivent et qui parlent à voix haute.

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Il y avait une dizaine de PENs représentés à la réunion du PAN à Dakar, à l’invitation du PEN Sénégal . De fascinantes discussions ont eu lieu sur la manière pour le PAN de s’organiser. Abdul-Rahman Harruna Attah a été confirmé au secrétariat général; son prédécesseur, Mohamed Magani, est revenu en tant que président d’un nouveau Comité de sept membres. On a proposé la mise en place de structures provisoires et Harruna s’affaire à obtenir un consensus de la part des membres du PAN.

Après la réunion du PAN au Caire, il y a un an, c’était un nouveau rappel de la force de nos centres africains. Et on perçoit la volonté ferme d’en créer d’autres.

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À Stockholm, j’ai assisté à une réunion du Swedish Arts Council où les centres PEN nordiques étaient présents, tout comme ICORN (International Cities of Refuge Network) et divers représentants d’autorités locales. On voulait convaincre un plus grand nombre de villes d’offrir un accueil pour des écrivains qui ne peuvent vivre dans leur propre pays. Il y a eu de bonnes discussions sur la façon de travailler avec ces écrivains invités pour les aider à se construire une vie acceptable dans un pays qui n’est pas le leur.

Le PEN suédois a aussi publié une déclaration sur la responsabilité des entreprises de communication digitale au moment de vendre leur technologie à des régimes comme ceux du Bélarus et de la Syrie. Cela correspond au travail de définition des politiques entamé par notre Comité des droits digitaux et j’ai profité de cette occasion pour parler de ce problème croissant.

Une fois en Suède, j’ai aussi eu le privilège d’une fructueuse discussion au sujet du PEN avec l’ancien président international, Per Wästberg et, par ailleurs, avec l’ancien président du WIPC/CODEP, Thomas von Vegesack.

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Je vous fais mes meilleurs vœux à l’occasion du début de la Nouvelle Année du calendrier romain!

Décembre Lettre Mensuelle De John Ralston Saul aux membres de PEN