LE 28 MAI 2012

Chers membres du PEN, chères amies, chers amis,

Nos comités permanents ont l’habitude de se réunir en mai et en juin. C’est important parce que nous sommes un mouvement qui rassemble des membres partout. Il faut nous voir souvent afin d’ajuster et de réajuster notre action.

La première réunion du nouveau Réseau des Balkans a eu lieu à Belgrade, tôt en mai. J’ai trouvé l’expérience très émouvante. Branko Čegec, de Croatie, a parlé de ‘combler le trou creusé pendant ces dernières années’. Sadik Bejko, l’albanais, a souligné que ce réseau aiderait à construire des ponts par dessus les frontières linguistiques. Le réseau sera basé à Belgrade pendant les trois prochaines années, puis il se déplacera vers un Centre qui n’est pas de langue slave – voilà encore une décision fidèle à la culture complexe et riche de la région. Vida Ognjenovic, avec ses collègues du PEN Serbie et les divers centres PEN des Balkans ont lancé quelque chose qui prouve à quel point PEN peut en même temps célébrer la coopération et les différences.

L’approche choisie par ce nouveau réseau est particulièrement importante car la montée du populisme se poursuit en Europe. Mes prédécesseurs à la présidence, György Konrád et Jiři Gruša, avaient déjà indiqué que c’était là un phénomène dangereux, une menace à la liberté d’expression. Et j’ajoute ma voix à la leur. Le populisme n’est jamais l’ami d’une littérature qui critique la société, ni même ami de la culture en général.

Plus tard en mai, lors de la réunion du Comité de la paix à Bled, le PEN slovène a appelé les 26 centres présents à s’élever publiquement contre les attaques menées par la presse jaune contre d’importants écrivains slovènes.

Chaque année ce comité qui se réunit à Bled est lié à la Rencontre internationale des écrivains, maintenant dans sa 44e année. Il s’agissait à l’époque de franchir le mur de la Guerre froide. Il y a maintenant d’autres murs à franchir.

Nous oublions parfois à quel point PEN est un mouvement large et complexe. Chacun comprend le travail de défense des écrivains emprisonnés. Développer une stratégie qui s’attaque à la pure violence sans même qu’une arrestation formelle ait lieu, c’est déjà bien plus complexe. Nous réfléchissons à la façon de traiter les nouvelles technologies de communication qui permettent, de manière distincte et en même temps, que la liberté d’expression s’épanouisse ou diminue. Nous renforçons notre capacité de défendre les langues menacées, comme on a pu le constater dans notre Manifeste de Gérone. Nos programmes d’éducation, principalement en Afrique, démontrent qu’il faut faire avancer de manières distinctes selon les endroits la littérature et la liberté d’expression.

Il y a une réalité fondamentale du PEN qui sous-tend tout cet activisme et tous ces programmes. Notre mouvement s’appuie sur des idées. Il faut que nous prenions le temps de débattre de nos convictions et de confronter chaque jour les vraies crises auxquelles nous faisons face quelque part dans le monde.

PEN a besoin d’un lieu de dialogue: un lieu où nous pouvons nous parler, et pas forcément avec un but spécifique. La possibilité d’explorer certains sujets. Le Comité sur le paix devient de plus en plus ce lieu de dialogue partagé.

Depuis des années PEN International veut trouver sa place dans le débat sur l’environnement. Mais nous ne sommes pas une ONG d’experts en environnement. Et nous n’avons pas à l’être. Mais si l’immense mouvement d’ONGs est à bien des titres bloqué aujourd’hui, c’est en partie à cause d’un échec du langage; l’absence d’un langage qui permette que le changement s’accomplisse. J’ai été frappé à Bled par le fait que certains membres, comme Sylvestre Clancier, œuvraient à développer un tel langage. C’est bien là l’une de nos tâches: inventer une langue qui marche.

Le Comité cherche aussi à mieux définir sa vocation. Pendant la prochaine année, le président Evard Kovac et la vice-présidente, Teresa Salema (ré-élue à Bled), dirigeront un groupe chargé de rédiger un manifeste qui précise son rôle à l’intérieur du PEN.

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Comme la plupart d’entre vous le savent déjà, Thomas von Vegesack est décédé ce mois-ci. Et Carlos Fuentes. J’étais à Stockholm pour la réunion annuelle d’ICORN juste après ces événements et nous avons tous pu nous souvenir de Thomas (Quant à ICORN, notre partenariat au sujet des écrivains en exil est un autre exemple de la diversité de notre travail). Thomas, comme président du WIPC/CODEP et ailleurs au PEN, a été un personnage central. Je l’avais revu il y a quelques mois à Stockholm. Il restait ce même personnage drôle, moralement motivé, dont nous nous souvenons tous d’il y a une vingtaine d’années.

Carlos Fuentes a travaillé jusqu’au bout. À la fin de l’année dernière il a aidé au succès de notre mission au Mexique et il s’est clairement joint à la cause qu’elle défendait.

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Et pour conclure, le Conseil et les Présidents des comités vont se réunir en séance de travail à Londres du 20 au 22 juin. S’il y a des points que vous voulez y voir soulevés, n’hésitez à en faire part à l’un d’entre nous et à Laura.

Je vous fais mes salutations les plus chaleureuses

John Ralston Saul

Mai Lettre Mensuelle De John Ralston Saul aux membres de PEN