LE 10 NOVEMBRE 2011

Chères amies, chers amis,

Il y a seize ans aujourd’hui, notre collègue Ken Saro-Wiwa a été pendu par les autorités nigériennes parce qu’il n’avait pas cessé d’écrire, parce qu’il n’avait pas cessé de parler. J’étais dans le sud de la Tunisie avec un groupe d’écrivains et de cinéastes quand j’ai appris l’horrible nouvelle. Nous sommes plusieurs à garder de cette journée-là un souvenir bien précis, comme d’une amère honte.

PEN avait beaucoup œuvré pour défendre la liberté de Ken Saro-Wiwa, pour défendre sa vie. Et nous avons échoué. C’est cet échec que nous ressentions.

Toute cette existence faite de littérature et d’expression libre à laquelle nous participons, ça n’a jamais été une chose facile, une sorte de démarche respectable entre gentlemen. Il y a toujours eu un aspect dur et risqué qui y était lié. Il arrive que ces risques ne soient rien d’autre que financiers, ou une aliénation sociale, ou bien la recherche difficile d’un public de lecteurs. Il arrive cependant parfois que ces risques impliquent l’emprisonnement, l’exil, la mort. Dans le cas de Ken Saro-Wiwa, tous ces aspects de ces risques ont joué. Nous nous trouvions devant un cas qui nous rappelait terriblement qu’on peut avoir du talent, jouir d’une grande notoriété et avoir raison; et pourtant un gouvernement autoritaire et médiocre peut vous pendre, puis mutiler votre corps.

Chaque fois que je pense à l’une de nos campagnes, le souvenir de Ken Saro-Wiwa me revient à l’esprit. Il faut que nous menions notre action avec un souci d’équilibre entre notre détermination et notre sollicitude. Ce peut être une affaire de vie ou de mort.

Le Mexique offre un exemple de cette complexité et je sais que plusieurs parmi vous ont participé à notre campagne du Jour des Morts le deux novembre. Et il y a bien d’autres exemples que je pourrais citer. Pensons au Dawit Isaak, dont la vie est en péril à Érythrée.

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En octobre, la Foire du Livre de Francfort nous a offert une très bonne occasion d’expliquer notre action. J’avais eu quelques mois plus tôt une conversation avec le Directeur de la Foire, Juergen Boss, et PEN International a pour la première fois été invité à y être. Laura McVeigh et Ali Nihat sont venues avec moi et nous avons participé à plusieurs événements. Premièrement, comme le PEN allemand y a toujours un kiosque, j’ai pu me joindre a leur Président, Johano Strasser et leur Secrétaire général, Herbert Wiesner, lors de leur conférence de presse annuelle, qui portait cette année sur l’éditeur égyptien Mohamed Hashem, le récipiendaire du prix Hermann Kesten pour 2011.

Nous avons aussi procédé au lancement en grandes pompes au Weltempfang – le nouveau Centre pour la politique, la littérature et la traduction de Francfort – du Cercle PEN international des Éditeurs.

Cet événement public a inclus Eva Bonnier, présidente de l’Association suédoise des éditeurs, Ronald Blunden, vice-président de Hachette Livre et Anders Heger, président du PEN Norvège en représentation des éditeurs norvégiens. J’ai présidé la séance dont le titre était Libérer la parole. Temps de transition. Plusieurs Centres PEN étaient représentés, comme par exemple le Centre ouïgour par Kaiser ÖzHun et Kaitlin Kaldmann, du PEN Estonie, et un public nombreux.

Le lendemain, nous nous sommes réunis avec succès avec les membres du Cercle des Éditeurs pour discuter de ses activités. Il s’agit pour l’instant de nous appliquer à appuyer l’édition dans certains pays où elle connait des difficultés. Grace à l’initiative de nos Centres PEN en Norvège, Suède, Finlande et Canada, le Cercle a maintenant quatorze membres. En plus des fondateurs internationaux – Hachette Livre, Penguin Group et Random House – il s’agit de Gyldendal Norsk Forlag (Norvège), Aschehoug forlag (Norvège), Cappelen Damm (Norvège) Albert Bonnier Forlag (Suède), KF Media AB/Norstat (Suède), De Oberoende (Suède), Natur & Kultur (Suède), Söderström förlag (Finlande), House of Anansi Press (Canada), Douglas & McIntyre (Canada) et Harper Collins (Canada). Notre but est d’en arriver à rassembler de 30 à 35 membres. L’un des résultats pratiques de cet effort est que nous augmentons le pourcentage des fonds non affectés de notre budget.

La Foire du Livre m’a aussi demandé de donner, au nom du PEN, le discours d’inauguration du Weltempfang. Le rapport en est donné sur notre nouveau site Internet.

Nous discutons déjà d’un rôle annuel pour PEN à la Foire du Livre de Francfort. Il s’agit ainsi pour nous de diffuser notre message auprès d’un public élargi. Je tiens à ajouter que l’Islande était le pays invité d’honneur cette année. Sjón et de nombreux membres du PEN islandais étaient à l’honneur.

Au plan pratique, le groupe sur les Médias digitaux et les Communications présidé par Hori Takeaki, et composé de Marian Botsford Fraser et de Margie Orford a commencé son travail. Le groupe d’Eric Lax sur les réformes de structure a d’ ores et déjà reçu des suggestions écrites de quelques uns d’entre vous.

Acceptez mes chaleureuses salutations

John Ralston Saul

Novembre Lettre Mensuelle De John Ralston Saul aux membres de PEN