LE 15 NOVEMBRE 2013

Lettre mensuelle d’octobre 2013
de John Ralston Saul
Président international, aux membres du PEN

Chers membres du PEN, chères amies, chers amis,

Je rédige cette lettre le 15 novembre, le Jour des écrivains emprisonnés. Il y a un an, nous étions une vingtaine à Istanbul et à Ankara, avec le PEN Turc, pour rencontrer des leaders politiques et attirer l’attention sur le piteux état de la liberté d’expression dans un pays où un si grand nombre d’écrivains sont emprisonnés ou font face à des procès qui n’en finissent plus. À plusieurs points de vue, la situation est maintenant encore pire. Ni le gouvernement, ni les cours de justice ne se comportent d’une manière plus responsable que l’an dernier. Mais tout n’est pas simple. Je parlais hier avec un écrivain turc bien connu à Istanbul qui insistait pour dire qu’au moins maintenant la question fondamentale de la liberté d’expression est présente dans le débat public ; et il insiste pour dire que cela est en partie le résultat de l’intervention de la délégation du PEN.

La situation au Mexique est de bien des façons similaire – notre rôle, en accompagnant dans leur travail les trois centres PEN du Mexique, a été de faire apparaître la question essentielle de la liberté d’expression dans le débat public. Ce n’est que dans cet espace public que les écrivains peuvent exercer une influence véritable.
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Octobre, c’est le mois de la Foire du livre de Francfort, et j’y ai assisté avec James Tennant, ainsi qu’avec Ola Wallin et Martin Kaunitz, du PEN suédois, et Tiina Lehtoranta du PEN finlandais. Nous avons tenu un événement public au sujet de l’intervention du Cercle des Éditeurs au Myanmar.

Ronald Blunden, de Hachette, Jo Lusby, de Penguin, ainsi qu’Ola Wallin ont parlé à un groupe d’éditeurs de leur travail à Rangoon avec des éditeurs du Myanmar. Nous avons aussi eu des réunions afin de discuter de notre stratégie future – comment améliorer le genre d’atelier que nous avons eu à Rangoon, comment assurer le suivi de notre présence au Myanmar et vers quel pays nous tourner maintenant. John Makinson, le président du conseil de Penguin Random House a participé à ces échanges, tout comme Sarah MacLachlan, présidente de House of Anansi Press, Peter Wilcke, président directeur-général de Norsdedts et Per Almgren, président directeur-général de Natur & Kultur.

La bonne nouvelle est que le groupe allemand Holtzbrinck Publishing s’est maintenant associé officiellement au Cercle, tout comme le britannique I.B. Tauris & Co. Ltd. Le président et éditeur de cette maison, Iradj Bagherzade, était aussi présent lors de l’événement privé qui a eu lieu en matinée.

Et enfin, le PEN allemand a organisé un important événement public sur la situation au Mexique. Une grande foule était présente. C’est comme ça que PEN procède – nous allons continuer d’alerter le public au sujet de situations comme celle du Mexique aussi longtemps que les problèmes ne seront pas résolus.
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Entretemps, le PEN russe a pris position en faveur des prisonniers du Square Bolotnaya et 57 membres du Centre ont signé le document. Je tiens à rajouter qu’un certain nombre d’entre nous serons à Moscou à la fin du mois de novembre. Je vous en parlerai dans ma prochaine lettre
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À la mi-octobre, notre Vice-présidente internationale, Joanne Leedom-Ackerman et Sarah Hoffman du PEN américain se sont rendues au Qatar en appui au poète emprisonné Mohammed al-Ajami, qui vient juste d’être condamné à quinze ans de prison pour avoir rédigé deux poèmes. Ça a été un voyage difficile, mais un puissant premier pas dans la campagne internationale qui a été lancée. Je répète : quinze ans pour deux poèmes. Les régimes autoritaires vivent dans un univers profondément contradictoire. Ils nient l’importance de la pensée et de la créativité, et pourtant ils prouvent le contraire en punissant les écrivains. Voilà bien un terrifiant, un superbe témoignage en faveur de la puissance de la parole écrite.
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Et plus tard le mois dernier je suis allé par affaires à Belgrade mais j’ai pu passer pas mal de temps avec des membres de notre Centre serbe – Vida Ognjenovic, Neda Nikolic Bobic, Vladislav Bajac et d’autres – et nous avons commenté l’évolution du Réseau PEN des Balkans et d’autres questions régionales.
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Après un mois dans diverses régions d’Europe, je ne peux faire autrement que de commenter le retour du discours d’incitation à la haine. C’est une réalité autant en Europe de l’Ouest qu’en Europe centrale et dans les Balkans. Tout cela est lié au populisme. J’y reviens constamment. La résurgence d’un hideux populisme. Nous sommes maintenant les témoins d’une monté d’un racisme ouvert au cœur du débat dans plusieurs des importantes démocraties européennes. On y voit grandir une peur de l’autre dans certains secteurs de la société. Il y a des incidents violents liés à la race. Dans bien des milieux, on sent une atmosphère antidémocratique. Ce sont des temps agités, incertains et il faut que nous restions fermes et clairs quant au rôle de l’écrivain, de la littérature et de la libre expression qui sont les garants d’une atmosphère propre à une société saine et ouverte.

Avec mes salutations les plus amicales.

John Ralston Saul
Président international

Lettre Octobre De John Ralston Saul, Président international, aux membres de PEN