LE 18 FÉVRIER 2012

Chères et chers amis et membres du PEN,

À ce stade, la plupart d’entre vous serez déjà au courant de notre mission du PEN International au Mexique. Il en est beaucoup question sur le site Internet; jetez-y un coup d’œil.

Il y a deux raisons pour lesquelles cette mission était importante. D’abord, la situation au Mexique allait de mal en pis, avec un bilan de plus de quatre-vingt morts. Les installations de périodiques et de postes de radio bombardées. Dans plusieurs états, la liberté d’expression a pour ainsi dire disparu. Dans bien des circonstances, les écrivains savent quelles peuvent être les conséquences d’élever la voix. Et cela a bien sûr un effet néfaste sur la volonté des éditeurs de publier ce qu’ils voudraient.

Deuxièmement, la forme de la mission était en elle-même une nouveauté. L’idée était d’utiliser une approche qui pourrait s’ajuster et s’appliquer à de futures missions, comme par exemple en Turquie ou en Chine. C’était une grosse délégation, car nous étions quatorze, dont des représentants de chacun des trois centres PEN du Mexique. La stratégie impliquait ce qui a probablement été une première, d’inclure l’ensemble de l’exécutif; et les sept Centres d’Amérique du Nord, peut-être là aussi une première. Nous avions espéré que des centres latino-américains se joignent à nous, mais la chose n’a pas été possible. De toute façon, notre approche a été à la fois internationale et régionale. La participation de la présidente du Comité des écrivains en prison / Comité de défense des écrivains persécutés, de représentants des centres japonais et anglais et d’une spécialiste en droit ont consolidé la délégation. La présence de cette dernière, là aussi une première, tient au fait que nous avons œuvré dans le dossier du Mexique avec une importante faculté de droit (celle de l’Université de Toronto). Nous avons développé un argumentaire juridique très concis, facile à diffuser et à communiquer. Vous le trouverez en annexe.

Nous avons aussi utilisé une approche qui correspond à la réalité du PEN. C’est-à-dire que nous avons mis à contribution notre expertise et présenté un programme clair de changement. Mais nous avons aussi parlé et agi à partir de la réalité qui est propre au PEN: nous sommes des écrivains, des écrivains de toutes sortes, des éditeurs et des amants de l’expression écrite. Nous sommes des gens de la parole. Notre principale force tient à notre habileté à utiliser la parole et à le faire publiquement. Nous sommes des milliers d’écrivains à travers le monde et disposons d’un public immense. Nous pouvons rencontrer ministres et haut-fonctionnaires et présenter de manière très efficace notre témoignage en faveur de la liberté d’expression. C’est ce que nous faisons, c’est ce que nous devons continuer de faire. Mais notre poids, notre force et notre influence viennent de notre voix, de nos lecteurs, de ceux qui nous écoutent ou qui nous voient. Au moment où la délégation mettait pied à Mexico, une page entière d’un quotidien de la ville présentait une lettre aux écrivains du Mexique signée par des écrivains du monde entier. Vous trouverez cette lettre sur le site Web et nous espérons que vous y ajouterez votre signature. Entre temps, plusieurs membres de la délégation ont publié leurs commentaires sur ce qu’ils ont vu et vécu, présentant leurs recommandations sur la question. Ces articles aussi sont joints. Il y en aura d’autres. Je vous encourage à écrire vos propres textes ou à publier à nouveau, sur votre site Web ou ailleurs, ceux que vous avez déjà rédigés.

Et enfin, le PEN mexicain, présidé par Jennifer Clement, a organisé un événement public remarquable où cinquante-deux écrivains ont parlé – des Mexicains, des membres de la Délégation, des romanciers connus, des journalistes de grande réputation et des journalistes menacés, venus de villes de province. Chacune ou chacun n’avait la parole que pour une minute. Une expérience admirable, dérangeante, émouvante. Cela se passait devant un public nombreux et reçut une couverture de tous les médias. Le message s’est ainsi rendu jusqu’au grand public et aux autorités. On a vécu là une occasion où notre existence en tant qu’importante organisation littéraire et leader dans la défense de la liberté d’expression a parfaitement et à l’unisson trouvé sa voix.

Le résultat en est que nous avons réussi à ramener la question des écrivains/journalistes à l’avant-scène de l’attention publique. Il nous reste à aider à l’y maintenir. Mais nous avons aussi aidé à pousser dans la bonne direction la question des politiques publiques. Là aussi, il faudra que nous soyons tous attentifs et constants dans l’appui à nos collègues mexicains et à ceux qui travaillent dans ce domaine.

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Au moment où vous lirez ces lignes, je serai en Corée avec Gil-won Lee et notre centre PEN de Corée. Hori Takeaki est là aussi, tout comme Markéta Hejkalová et Laura McVeigh. Nous allons discuter du prochain congrès. Et je me rendrai ensuite à Addis Abeba pour la première rencontre nationale du PEN d’Éthiopie, puis à Djibouti pour rencontrer les centres PEN afar et somalien.

Je ne peux m’empêcher d’ajouter que nous semblons nous déplacer vers une période imprévisible. Vous verrez sur le site Web qu’il y a en Inde une situation qui se développe et qui nous fait nous interroger au sujet du système juridique et de la volonté politique; de nouvelles difficultés apparaissent en Arabie Saoudite; et tout cela vient s’ajouter à la liste déjà très longue des menaces contre la liberté d’expression et en même temps, bien évidemment, contre l’expression littéraire.

Veuillez bien suivre la situation au Mexique.

Et n’oubliez pas de traduire le Manifeste de Gérone dans votre langue pour que nous puissions le diffuser.

Bien chaleureusement

John Ralston Saul

Février Lettre Mensuelle De John Ralston Saul aux membres de PEN